Scission du groupe des impressionnistes (à partir de 1882) Automatique traduire
L’exposition de 1882 est le résultat des efforts de Durand-Ruel pour créer un front uni devant le public, pour forger une nouvelle solidarité entre les artistes. Mais les artistes eux-mêmes n’ont plus la volonté d’agir ensemble. Il n’y a plus de but dans la lutte collective, et aucun d’entre eux n’a d’autre aspiration, maintenant que les tâtonnements et les incertitudes sont passés, que de suivre la voie choisie. Les expositions particulières de l’impressionnisme, qui ont lieu dans la nouvelle galerie ouverte par Paul Durand-Ruel sur le boulevard Madeleine et qui présentait en 1883 des œuvres de Boudin et Monet (mars), Renoir (avril), Pissarro (mai) et Sisley (juin), en sont l’expression la plus claire.
❶ Origines et influence
❷ Histoire ancienne
❸ L’impressionniste Édouard Manet
❹ L’impressionniste Claude Monet
❺ Les impressionnistes Renoir, Sisley, Pissarro, Degas, Cézanne
❻ Monet et Pissarro à Londres
❼ Développement de la peinture impressionniste
❽ Expositions impressionnistes
❾ Division en groupes
❿ Héritage
Les artistes impressionnistes eux-mêmes s’éloignent de Paris, s’isolent et s’installent dans un lieu plus permanent pour peindre et développer leur œuvre. Sisley est à St Mamm, près des Maures et du Canal du Loin. Monet - à Giwemy, près de Vémont, sur l’Eure, avec la veuve Hochede, qui deviendra sa seconde épouse (Camille meurt en 1878, épuisée par les privations et les privations). Pissarro s’installe à Éraigny, au cœur du Vexin. Cézanne vit le plus souvent à Aix, où sa vie familiale est enfin stabilisée, hormis la mort de son père, par son mariage avec Hortense Fiquet. Il travaille dans l’isolement de sa propriété du Jas de Bouffan. Seul Renoir mène une vie différente, passant dix ans dans une sorte de vagabondage mental et physique avant de choisir finalement la côte méditerranéenne comme lieu et modèle de l’Eden qui s’épanouit dans son œuvre.
Il ne faut pas croire pour autant que les artistes sont complètement repliés sur eux-mêmes. Les pensées amères qui habitent certains d’entre eux ne peuvent leur faire oublier que leur solidarité reste profonde et que leur amitié continue à les maintenir ensemble dans une certaine mesure. Ils se rendent visite au cours de leurs voyages, séjournant parfois chez l’autre pendant de longues périodes. Renoir rend visite à Cézanne à plusieurs reprises (en 1882, 1883, 1888 et 1889), une fois accompagné de Monet, et Cézanne rend à son tour visite à Renoir à La Roche-Guyon et à Monet à Giverny.
Plus tard, des liens forts unissent leurs enfants, mais en tant que membres d’une même famille. Ils échangent leurs idées et leurs expériences, et tant mieux si elles ne coïncident pas. Ils attachent la plus grande importance aux avis formulés sur leurs propres œuvres.
Ils sont liés par ce qu’ils ont vécu et par l’aide apportée à ceux qui sont décédés. Pour en savoir plus sur leurs objectifs artistiques, voir : Caractérisation de la peinture impressionniste 1870-1910
Les efforts de Monet assurent le succès de la souscription ouverte pour acquérir le tableau «Olympia» de Manet et l’offrir au Musée du Luxembourg en 1890. De même, Renoir, exécuteur testamentaire de Gustave Caillebotte, réussit à vaincre les doutes de l’administration des Beaux-Arts et à lui faire accepter (malheureusement, seulement trente-huit tableaux sur soixante-sept) l’héritage à l’Etat de cette magnifique collection. En 1895, sur l’insistance de Pissarro, Vollard organise la première exposition de Cézanne, qui montre en une seule fois le gigantisme de l’artiste.
Mais préoccupés par l’achèvement de leurs œuvres personnelles dans les dernières années de leur vie, les artistes restent indifférents aux nouvelles explorations et aux jeunes personnalités qui apparaissent à leurs côtés et qui pourraient bientôt sembler dépassées. Mais dans la deuxième partie de cet ouvrage, nous verrons comment Cézanne, Degas, Renoir et Monet ont survécu à leurs successeurs immédiats et comment leur œuvre, parfois considérée comme anachronique et dépassée, conserve une présence et une puissance inégalées et, après des années d’éclipse, une surprenante actualité.
Seul Pissarro, toujours généreux et enthousiaste, reste en contact avec les artistes de la nouvelle génération qui s’impose après 1880. C’est lui qui favorise le développement tardif de la vocation de Gauguin et lui apporte toute son aide alors que Gauguin passe du statut de peintre de fin de semaine et de collectionneur à celui d’artiste préféré.
En 1883, Gauguin vient travailler avec lui à Rouen. Pissarro s’intéresse bientôt à Georges Sera qui, avec la conviction et la ferveur d’un novice, se consacre à la justification scientifique rigoureuse des triomphes de l’impressionnisme et fonde en 1884, avec un groupe d’artistes rejetés par le Salon, une nouvelle association «des Indépendants», dans laquelle chacun est libre d’exposer sans être soumis à un jury.
En 1885, Pissarro le rencontre ainsi que Signac, qui demande à Chevreul d’élargir l’interprétation des lois que les impressionnistes appliquent plus ou moins scientifiquement. Considérant cette formulation plus précise comme un progrès, Pissarro n’hésite pas à adhérer au système mis au point par Young. Il décide d’exposer avec les «Indépendants» et introduit Seurat et Signac dans la dernière exposition du groupe impressionniste, qui a lieu en 1886.
Au moment où Durand-Ruel tente d’organiser une exposition à New York, Berthe Morisot juge bon de montrer l’importance du groupe des Impressionnistes dans une exposition parallèle à Paris. Pissarro, qui avait participé seul à toutes les expositions précédentes, demande à pouvoir exposer avec ses nouveaux amis. Monet, suivi de Renoir, Caibotte et Sisley, choisit de refuser et de participer à l’Exposition internationale organisée au même moment par Georges Petit. C’est la dernière exposition du groupe impressionniste, dominé par Pissarro, et qui, à travers lui, ouvre la voie à l’avenir. Pissarro présente vingt toiles dans le nouveau style, et la composition de Serat «Grand Jatte» et ses paysages de Grandcamp font fureur. Serat et Signac sont acceptés par Durand-Ruel pour l’exposition de New York.
Un tournant important est la publication en 1886 par Félix Fénéon d’un important article «Impressionnistes», qui parle de la fin de l’impressionnisme et prend parti pour Sérat et Signac, pour lesquels le critique invente le nom de «Néo-impressionnisme».
Le destin des impressionnistes
Après l’exposition semi-réussie de 1886, il ne reste que quelques manifestations éparses de l’objectif commun de la quête des impressionnistes. En 1886 et 1887, on retrouve Monet, Renoir et ensuite Sisley à l’Exposition internationale de Georges Petit. En 1889, Monet expose dans la même galerie que Rodin. C’est la première et unique fois que le sculpteur démontre publiquement la possibilité d’appliquer les idéaux de l’impressionnisme à autre chose que la peinture.
En effet, parallèlement à l’évolution de la peinture, on assiste à un courant assez actif de recherches similaires de la part de sculpteurs comme l’Italien Medardo Rosso puis Rodin. Il ne faut pas oublier qu’à partir de 1880, une grande partie de l’œuvre de Degas est sculptée. L’histoire de la sculpture impressionniste reste à écrire, mais elle révélera sans doute de nombreuses similitudes intéressantes.
A cette exposition générale de 1889, Monet participe avec une véritable rétrospective de sa peinture depuis 1864. La préface, rédigée par Octave Mirbeau, parle de la nature recréée «avec son mécanisme cosmique». Malgré leurs querelles incessantes, les artistes reviennent finalement chez Durand-Ruel. C’est dans sa galerie que Monet expose ses séries «Meules de foin» (1891) et «Peupliers» (1892), et que Pissarro, issu du néo-impressionnisme, a sa première grande exposition en 1892, suivi quelques mois plus tard par Renoir.
Même pendant la période du divisionnisme, Pissarro reste fidèle à ses touches en forme de virgules, qu’il préfère aux points. Il ne pratique le pointillisme proprement dit que très brièvement, lorsqu’il est encouragé par les jeunes artistes Toulouse-Lautrec et Van Gogh . Il s’efforce de maintenir la vivacité des émotions dans la technique scientifique formulée par Serat, mais celle-ci exige un travail minutieux et épuisant et l’oblige à peindre très lentement. Après la mort de Serat, il abandonne la théorie de ce dernier et, dans un grand isolement, reprend sa technique personnelle plus ou moins là où il l’avait laissée.
Les impressionnistes ont survécu à leurs successeurs immédiats. Van Gogh disparaît dès 1890, suivi par Serat en 1891. Gauguin quitte définitivement la France en 1895 et Toulouse-Lautrec, très malade depuis 1896, meurt en 1901. L’importance parfois entrevue de ces artistes, la valeur théorique des œuvres de ces quelques génies étonnants, qui découlent en partie du seul impressionnisme, n’a aucune incidence sur le développement profond de l’impressionnisme.
Il semble même qu’avec la consécration définitive de leur art et avec l’âge, les impressionnistes retrouvent l’enthousiasme de leur jeunesse et s’expriment sous une forme plus libre, plus large et plus visionnaire. Seul peut-être Sisley - et il est le premier à abandonner en 1889 - montre une certaine baisse d’inspiration. La vie le malmène, lui refusant jusqu’au bout la reconnaissance de son travail et la réussite matérielle de ses amis. Ses œuvres, exécutées avec de nombreuses marques et reposant essentiellement sur la reproduction fidèle, perdent peu à peu de leur intensité, ne trouvant pas ce souffle vivifiant, ces rythmes simplificateurs qui, par comparaison, permettent à d’autres impressionnistes de se surpasser. Ses tentatives d’intensification des couleurs détruisent le fragile équilibre.
L’œuvre de Pissarro, encore très abondante, marque aussi quelque peu le passage du temps. Malgré son âge et son infirmité (maladie des yeux), Pissarro conserve jusqu’au bout son ardeur apostolique et son extraordinaire soif d’activité. Il parcourt sans cesse le monde à la recherche de nouveaux sujets, mais finit par revenir à ceux qui lui sont familiers. On le retrouve à Londres, en Hollande, en Normandie, mais le port familier de Rouen avec ses cargaisons sur la Seine, les perspectives de Paris, le quai, le rond-point et la vue de la fenêtre de l’hôtel «sur le Louvre» lui donnent la meilleure inspiration. Dans cette production, peut-être un peu plate dans son exécution, on voit une grande habileté, une connaissance extraordinaire de l’harmonie et de la consonance. Et qui ne sera pas ému par le fait que Pissarro lutte contre la cécité et la vieillesse pour créer des tableaux de plus en plus clairs?
Huysmans note en 1889 que Cézanne, alors presque oublié, a contribué plus que d’autres au mouvement impressionniste. Parce que le cubisme attache une grande importance à la période constructive de l’artiste, cette affirmation a longtemps semblé controversée et, à notre avis, erronée. Cézanne quitte l’impressionnisme avec l’intention d’en faire «quelque chose de solide et de durable, comme l’art des musées», un désir finalement partagé par ses associés. Mais il n’a jamais caché que l’inspiration lui venait «d’un petit sentiment» et qu’il ne cessait de s’intéresser au sujet en plein air.
C’est au cours de ses longues études de peinture en plein air, au soleil et à la pluie, qu’il a contracté la maladie dont il meurt. Il ne néglige pas plus que Monet les fluctuations de l’atmosphère. Mais il va volontairement vers une autre lumière, celle du Midi, moins mobile et moins changeante. Il est donc normal que, insensible à la fugacité du temps et aux changements subtils, il s’arrête à la lumière qui définit le mieux la forme essentielle de l’objet et, selon ses propres termes, «la module».
Pour mieux exprimer la forme par la couleur, il traite la surface avec des rythmes et des figures géométriques, les fameux «cylindres, cônes et sphères» ; mais ces formes géométriques n’ont pas de valeur indépendante et se superposent toujours avec une fidélité absolue à des aspects de la réalité. Ils ne renoncent donc pas aux concepts de l’impressionnisme, mais l’interprètent dans un esprit cartésien, raisonné et clair (à l’heure où d’autres tentent de le réduire à une formule scientifique). Il veut montrer la nature telle qu’elle est, c’est-à-dire telle que l’homme la voit, dépourvue de lumière, d’imagination obsessionnelle et de drame.
Son mode de vie fermé, sans distraction, lui permet de perfectionner jour après jour une technique totalement individualisée, allégée à l’extrême. Il parvient à nuancer la construction la plus dense et à porter le dessin au-delà des bords de la toile. A cet égard, l’utilisation d’aquarelles et d’encres diluées lui permet d’atteindre une économie de moyens maximale.
Toutes ses œuvres sont plongées dans une atmosphère bleutée créant des espaces profondément échelonnés. Son univers s’élargit. La terre rude de Provence, terrain peu changeant dont les masses et les contours se dissolvent dans un ciel toujours bleu, lui permet d’atteindre une vérité absolue. Sa synthèse ne se fait pas à partir d’éléments abstraits, mais à partir du concret et de l’évident. C’est ainsi qu’il réalise, toujours dans le doute, son rêve de «Poussin pris dans la nature».
Mais cette idée ne s’impose pas et se transforme même en une grande explosion de couleurs dans les dernières années de la vie de Cézanne. Dans son dernier effort, Cézanne trouve de nouveaux accents pour exprimer son implication dans les forces cosmiques de la nature. Venturi a tout à fait raison de noter les parallèles qui existent entre les dernières œuvres de Renoir et de Cézanne (et Monet n’était pas si éloigné d’eux). Chez Cézanne, la couleur, bien que réduite à diverses intensités de bleu et d’ocre, s’anime et «chante», et les structures auxquelles il attachait tant d’importance deviennent de simples corollaires. «Les plans transparents culbutent et s’agitent comme des ondes sonores», écrit Jean Leymarie.
Degas, qui souffre déjà depuis plusieurs années d’une détérioration de la vue, est contraint d’utiliser des couleurs plus saturées. Son handicap entraîne une dilatation et un brouillage des formes. Ironiquement, cela conduit ses œuvres tardives à être plus proches de l’impressionnisme que jamais auparavant. Il se tourne de plus en plus vers la pratique tactile de la sculpture. Sa vie étrange, pendant laquelle il a été suffisamment riche pour ne jamais vendre ses tableaux, mais dans laquelle il n’y a aucune trace de romantisme, se termine par une véritable cécité. À sa mort, il laisse derrière lui plus de 2 000 huiles et 150 sculptures. Pour plus d’informations, voir : Les meilleurs tableaux impressionnistes .
L’œuvre de Renoir culmine également dans un hymne à la nature, peut-être moins religieux que celui de Cézanne, plus dionysiaque et païen. De 1884 à 1890, dans la période dite «aigre», il se met véritablement à l’épreuve en transmettant toute la précision des formes dont il craignait la disparition dans l’enchantement de l’impressionnisme. Son dessin, digne de Raphaël ou d’Engra, incarne des couleurs brillantes, comme émaillées. Mais il doit bientôt renoncer à cette réaction excessive, à cette avarice qui ressemble tant à son tempérament.
Après les délicieuses nuances «de la période nacrée», il choisit, sans doute plus sous l’influence de Cézanne que de Monet, d’intégrer la forme dans une atmosphère légère qui lui donne de la chaleur et la souligne sans la dissoudre. Il se tourne ainsi librement vers les figures, transcendant leur individualité, et vers les nus, qu’il habille d’une gaine de lumière qui les anime et les rend vivants. Lorsqu’il s’installe définitivement dans le Midi vers 1900, son art commence à se développer royalement. Sa touche souple et enveloppante souligne et enrichit les masses et les volumes.
Albert André décrit ainsi la naissance de Renoir : de la brume colorée produite par les coups de pinceau sourds, «surgissent des formes douces et rondes, étincelantes comme des joyaux et enveloppées de transparentes vagues dorées». La palette finale de Renoir se caractérise par une grande richesse : dans les tableaux de corps dominent les couleurs rouges ardentes, dans lesquelles on ressent toute la pulsation de la vie, et dans les paysages - une intense harmonie bleu-vert. Son œuvre culmine dans une poésie monumentale.
Nous vous remercions d’avoir utilisé un extrait du livre «L’impressionnisme» de Jacques Lassagne (1966).
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