La Provence thaïlandaise et les sommets montagneux :
un phénomène agrotouristique dans le Nord
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La perception qu’ont la plupart des voyageurs du Royaume de Thaïlande se limite à son littoral. Eaux turquoise, falaises calcaires et humidité tropicale composent l’image stéréotypée du pays. Pourtant, la géographie de la région est bien plus complexe. Les provinces du nord offrent des conditions climatiques et culturelles radicalement différentes de celles des stations balnéaires du sud. Chaînes de montagnes, forêts de pins et températures descendant jusqu’à 10-15 degrés Celsius en hiver y sont prédominantes. C’est dans cette zone qu’a émergé un créneau agrotouristique unique, axé sur la production de café haut de gamme et de vins de « nouvelles latitudes ».
Géographie du froid
Le nord de la Thaïlande, frontalier du Myanmar et du Laos, est un système complexe de chaînes de montagnes. Son altitude varie de 400 à 2 500 mètres. Cette différence d’altitude crée un microclimat unique. Les brouillards matinaux et la fraîcheur des nuits favorisent la maturation lente des fruits, essentielle à l’accumulation des sucres et des acides dans les plantes. C’est une terre de forêts sempervirentes et de sols fertiles riches en minéraux. Les Thaïlandais surnomment cette région leur « Suisse » ou leur « Provence », une comparaison qui repose sur des bases agronomiques et non sur une simple ressemblance visuelle.
Voyager dans le nord du pays exige une bonne organisation. Les transports en commun y sont moins développés que dans le centre. Louer une voiture est indispensable pour accéder aux fermes isolées. Le budget pour un tel voyage dépasse souvent le prix d’un séjour balnéaire. Les campagnes marketing mettent parfois en avant des slogans attrayants comme « Thaïlande à 99 euros le vol » ou « hébergement à petit prix », mais l’agritourisme de qualité dans le nord repose sur une consommation réfléchie, et non sur la frugalité. Les itinéraires individuels le long de routes sinueuses demandent du temps et des ressources.
La renaissance du café dans le Triangle d’or
L’histoire du café thaïlandais est indissociable de la lutte contre le trafic de drogue. Il y a un demi-siècle, les provinces de Chiang Rai et Chiang Mai faisaient partie du tristement célèbre Triangle d’or, où le pavot à opium était cultivé à grande échelle. Un projet royal, initié par le roi Rama IX, visait à remplacer l’opium par des cultures alternatives. L’arabica s’est révélé être une candidate idéale. Les caféiers prospèrent à l’ombre de vastes forêts, à plus de 800 mètres d’altitude.
Aujourd’hui, la Thaïlande occupe une place de choix sur la carte du café de spécialité. Les producteurs locaux expérimentent différentes méthodes de transformation des grains. La méthode traditionnelle lavée coexiste avec les méthodes naturelle et au miel. Dans cette dernière, une partie de la pulpe reste sur les grains pendant le séchage, conférant au café des notes sucrées et fruitées. Les plantations des régions de Doi Chang et de Doi Tung sont ouvertes aux visiteurs. Il ne s’agit pas de simples sites d’agrément, mais de véritables unités de production. Les touristes peuvent observer l’ensemble du processus : de la cueillette des cerises rouges à la torréfaction.
La participation des minorités ethniques à l’industrie du café est particulièrement intéressante. Les peuples Aka, Lisu et Karen, autrefois dépendants de l’opium, gèrent aujourd’hui des coopératives familiales de café. Leur production est exportée au Japon et en Europe. Les dégustations permettent d’apprécier le profil aromatique authentique de l’Arabica thaïlandais : des notes de chocolat, d’épices et d’agrumes. L’absence d’amertume excessive est attribuée à l’origine volcanique des sols locaux.
Vinification tropicale : faire face au changement climatique
Cultiver de la vigne sous les tropiques peut sembler absurde d’un point de vue agronomique. Les vignes ont besoin d’une période de dormance (l’hiver) pour se fortifier en vue des prochaines vendanges. En Thaïlande, où l’hiver est relativement rare, les vignes poussent toute l’année. Les vignerons utilisent l’expression « vins des nouvelles latitudes » pour désigner les vins produits entre 14 et 18 degrés de latitude nord. Les principaux vignobles sont concentrés dans la région du parc national de Khao Yai, à trois heures de route de Bangkok.
La technologie employée ici diffère des pratiques européennes. L’objectif principal de l’agronome est de recréer artificiellement le cycle de vie de la plante. La taille est effectuée deux fois par an, permettant une récolte maîtrisée et décalée à la saison sèche (février-mars). Ceci prévient la pourriture des baies due aux pluies de mousson. Le sol de Khao Yai est un limon rouge riche en calcium, favorable aux cépages Shiraz et Chenin Blanc. Ces cépages ont démontré une excellente adaptation au climat chaud.
Les domaines viticoles PB Valley et GranMonte proposent des visites de vignobles qui évoquent visuellement l’Italie. Même les rangées de vignes se détachant sur un fond de collines verdoyantes créent l’illusion de la Toscane. Les salles de dégustation proposent des vins régulièrement primés lors de concours asiatiques. Leur Shiraz thaïlandais offre des arômes de fruits rouges éclatants et des tanins souples. Il convient également de mentionner leurs expérimentations avec le cépage Colombard, qui produit des vins blancs frais et vifs, parfaits pour accompagner la cuisine thaïlandaise épicée.
L’esthétique du froid et du glamping
La popularité du nord de la Thaïlande auprès des Thaïlandais tient à leur quête de fraîcheur. Pour un habitant de Bangkok, des températures de 15 °C sont exotiques et justifient un voyage de plusieurs centaines de kilomètres. Le glamping s’est développé autour des plantations de café et de thé. Ce type de vacances allie le confort d’une chambre d’hôtel à la proximité de la nature. Des tentes sphériques et des dômes transparents sont installés à flanc de montagne pour offrir une vue imprenable.
Le district de Mon Cham, dans la province de Chiang Mai, est devenu l’épicentre de ce mouvement. Ici, les couvertures chaudes remplacent la climatisation et les soirées se passent autour d’un feu de camp. L’architecture de ces campements est minimaliste. Les structures sont souvent construites en bambou et en matériaux locaux afin de préserver l’harmonie visuelle des pentes. La vue matinale depuis la tente, celle d’une mer de nuages s’étendant sur les plaines, attire les photographes et les personnes en quête de tranquillité.
Les propriétaires de glamping intègrent souvent l’agritourisme à leurs services. Les clients peuvent cueillir eux-mêmes des fraises ou des avocats pour le petit-déjeuner. Les fermes cultivent des produits adaptés aux climats tempérés qui ne poussent pas bien dans le sud. Des fraises, des pêches et des kakis frais sont vendus sur les marchés en bord de route. L’expérience culinaire repose ici sur le principe du « de la ferme à l’assiette », évitant ainsi les longs transports des aliments.
Feuille de route et saisonnalité
La période idéale pour visiter les «Alpes thaïlandaises» s’étend de novembre à février. Durant ces mois, les risques de précipitations sont minimes et l’air est d’une pureté exceptionnelle. Les températures diurnes se maintiennent autour d’un agréable 25 °C, tandis que les nuits sont plus fraîches, nécessitant des vêtements chauds. Le mois de mars marque le début de la saison des brûlis, lorsque les agriculteurs brûlent l’herbe sèche ; il est donc préférable d’éviter le printemps.
La boucle de Mae Hong Son ou un voyage à travers la province de Nan sont les meilleurs moyens de découvrir la région. Les routes du nord sont excellentes, mais très sinueuses. La route 1148, reliant Nan à Phayao, est considérée comme l’une des plus belles d’Asie du Sud-Est. Elle serpente le long des crêtes des collines, offrant des panoramas à couper le souffle sur des dizaines de kilomètres.
L’agritourisme en Thaïlande témoigne de la capacité du pays à innover. Loin de viser le succès commercial, cette tendance privilégie le souci du détail et le respect du travail de la terre. L’alliance de techniques viticoles de pointe, de traditions caféières ancestrales et d’une nature d’une beauté exceptionnelle crée une expérience qui surprendra même les voyageurs les plus aguerris. Le nord du pays propose un séjour intellectuel où plaisir et découverte se conjuguent à la compréhension des processus de production de vos boissons préférées.