Impressionnistes: Renoir, Sisley, Pissarro, Degas, Cézanne Automatique traduire
Renoir, plus lent dans sa formation, plus timide mais acharné dans la poursuite de son but, s’affranchit peu à peu des conventions de l’atelier et de la technique lisse et brillante qu’il a sans doute acquise en peignant sur porcelaine. Amené à Fontainebleau par des amis, il éprouve encore une certaine réticence à travailler en plein air et, pour appliquer les nouvelles techniques qu’il a mises au point, semble toujours devoir revenir à la densité et au volume de la figure humaine.
❶ Origines et influences
❷ Histoire ancienne
❸ Impressionniste Édouard Manet
❹ Impressionniste Claude Monet
❺ Impressionnistes Renoir, Sisley, Pissarro, Degas, Cézanne
❻ Monet et Pissarro à Londres
❼ Développement de la peinture impressionniste
❽ Expositions impressionnistes
❾ Regroupement
❿ Héritage
Pour l’analyse de l’œuvre des peintres impressionnistes, voir : Analyse de la peinture moderne (1800-2000).
Les autres impressionnistes
Les autres impressionnistes sont-ils meilleurs que Monet?
La première œuvre qui peut être considérée «comme ayant franchi la ligne» est le portrait «Lise à l’ombrelle» peint dans la forêt de Fontainebleau en 1867 et accepté avec succès au Salon de 1868. Le visage, plein de charme, se dissout dans l’ombre du sous-bois, mais le corps en robe blanche est balayé par la lumière du soleil et s’épanouit, occupant tout le centre de la composition, créant un bel agencement de rehauts de lumière qui accentuent la figure.
Aux côtés de Monet en 1868 et 1869, il réalise une série de paysages épurés : Grenouillers, scènes de patinage au bois de Boulogne, effets de neige, dans lesquels il respecte la ligne de son compagnon tout en conservant une unité de couleur. Il pratique une approche enveloppante du sujet avec une touche délicate qui met en valeur les masses les plus imposantes et enveloppe les formes d’un halo de poésie et de sentiment. Cela lui permet de préserver la précision des détails et de montrer sa connaissance des maîtres anciens (dans le sens de la pureté et non de la naïveté, comme chez les franciscains italiens) de manière complète et même passionnée.
Dès cette période, il augmente le nombre de portraits de ses amis, en particulier du ménage de Sisley, dont deux grandes figures en pied sont combinées dans des poses vives et charmantes. Pour plus de détails, voir : Les meilleurs tableaux impressionnistes .
Alfred Sisley, qui vit encore confortablement et dont la peinture se développe lentement et sans incident, s’est au contraire déjà imposé exclusivement comme paysagiste. Ses impressions s’expriment dans des variations chromatiques très fines, mais de manière mineure. (Note : pour une description du style impressionniste, voir : Caractérisation de la peinture impressionniste 1870-1910).
Basil reste lui aussi en retrait. Il adhère ardemment au plein air de Monet et dans cet esprit réalise en 1867 un grand tableau «Réunion de famille», comprenant toute une série d’études pour quelques-unes des onze personnes réunies en une composition. Mais il est peut-être plus fidèle à la lettre qu’à l’esprit des idées nouvelles, se souciant moins de la ressemblance que de la vraisemblance psychologique. Ses personnages sont immobiles, comme plongés dans la contemplation, opposant une résistance tacite aux tentatives de rapprochement. Bien qu’ils soient représentés en plein air, sous des voûtes de feuillage, ils ne semblent pas affectés par la lumière ou par ce qui les entoure.
Il est vrai que ces tableaux sont peints sous la lumière blanche du Midi, qui brille d’un vif éclat et manque des nuances inhérentes à la lumière de la Manche ou de la région parisienne. Homme d’une bonté exemplaire et d’une franchise scrupuleuse, «possédant toutes les nobles qualités de jeunesse, de foi, de dévouement et de raffinement» (Emile Zola), Basile joue un rôle très important dans le développement de l’Impressionnisme par la confiance qu’il accorde à ses amis et le soutien qu’il leur apporte. Mais il manque encore de révélation, et il est impossible de dire dans quelle mesure il aurait pu participer à la célébration de l’impressionnisme s’il avait échappé à ce malheureux destin.
Dans l’art du paysage de l’impressionnisme seul Pissarro joue un rôle presque égal à celui de Monet. Plus âgé que ce dernier et disposant d’une plus longue expérience, il s’est développé plus lentement et plus sûrement. Il suit l’exemple de Corot, impliquant clairement des nuances et une douceur bien différentes des éclairs de raccourcissement et des renversements rapides de Monet. Peu à peu, il échappe à cette influence et transporte non seulement son œuvre mais sa vie au cœur de la nature.
A partir de 1859, il vit dans la région parisienne, successivement à Montmorency, à La Varenne-Saint-Hilaire à partir de 1863, Hermitage à Pontoise à partir de 1867, et Louveciennes à partir de 1868. Il travaille seul, immergé dans la terre et participant à la vie des champs, observant respectueusement la démarche des ouvriers, le passage des charrettes paysannes, utilisant de vastes étendues de vert et de brun travaillées par petits fragments, et pratiquant instinctivement de 1868 à 1870 une sorte de fragmentation de la touche, provenant sans doute d’un divisionnisme inné apparenté à la recherche des différentes densités de la matière.
Progressivement, la lumière apparaît à chaque coup de pinceau, éclaircissant ses compositions un peu sombres. Il ne craint pas de produire un nombre limité de tableaux sur un même sujet (ce qui facilite la vente de petites toiles qu’il fournit régulièrement à des prix modérés à son marchand, l’aîné Martin).
Ces années sont très fructueuses pour lui. Il peint des paysages près de sa maison, la route principale qui passe à côté de la maison, en été et en hiver, et les variations que les saisons apportent. Malheureusement, nous ne connaissons qu’un très petit nombre de ses œuvres. En 1870, Pissarro est rattrapé par les troupes prussiennes près de Louveciennes et doit s’enfuir, laissant derrière lui des centaines de toiles (dont une cinquantaine d’œuvres de Monet, qui lui demande de ne pas y toucher). Ces toiles furent jetées dans la cour pour les recouvrir de boue et piétinées par les soldats allemands qui installèrent dans la maison un abattoir pour les troupes.
La contribution de Bertha Morisot durant cette période ne peut être négligée. En raison de sa situation familiale et financière exceptionnelle, et parce qu’elle était une femme, on l’a trop souvent considérée comme une amatrice, alors qu’elle créait, dans des conditions certes plus légères, des oeuvres qui avaient déjà un caractère défini et qui valaient par l’improvisation qu’elle a toujours maintenue. Elle prend les impressions comme elles viennent, avec une franchise, une simplicité et un franc-parler féminin qui, dans bien des cas, font d’elle une innovatrice. C’est après l’avoir vue au Salon de 1867, pour lequel elle a peint «Vue de Paris du Trocadéro» (les photographies aériennes de Nadar ont été prises en 1865), que Manet a eu l’idée de peindre «Vue de l’Exposition universelle», aujourd’hui au musée d’Oslo, où il représente des terrasses et des pavillons parsemés de personnages à différents niveaux. Un an plus tard, elle devient son élève et son modèle préféré.
Edgar Degas, ayant abandonné ses prétentions à la peinture d’histoire, devient l’ami de Manet vers 1865. C’est avec Manet qu’il se sent le plus proche, bien que sa conception de la peinture soit fondamentalement différente. Les deux hommes partagent des traits communs, même s’ils s’opposent parfois violemment. Lorsque Degas peint un portrait de Manet et de sa femme jouant du piano, Manet recouvre d’un masque le côté droit qu’il n’aime pas. Furieux, Degas reprend son œuvre et constate que Manet reprend la même pose pour le portrait de sa femme. Voir aussi le premier chef-d’œuvre académique de Degas «La famille Bellelli» (1858-67). Comparez avec des œuvres impressionnistes plus tardives telles que «Portraits à la Bourse» (1879).
Degas n’aime pas la vie en plein air et ne la pratique que pendant de courtes périodes : par exemple, lorsqu’il se laisse convaincre d’aller avec Manet à Boulogne-sur-Mer et de parcourir la campagne en voiture. C’est une expérience totalement nouvelle pour eux deux, et Degas peint une série d’aquarelles et de pastels de scènes de plage et de paysages dans lesquels il ne s’intéresse pas tant aux détails qu’à la recherche d’une sorte de nature impersonnelle, brumeuse, presque mythique. D’ailleurs, rien n’est moins spontané et libre que lorsqu’il travaille après mûre réflexion.
Comme Manet, il se préoccupe d’incarner la vie de la société, mais il l’aborde de façon beaucoup plus systématique et méthodique. Il envisage une bibliothèque de sujets contemporains et se donne la tâche ambitieuse de dessiner un certain nombre de thèmes : des musiciens et leurs instruments, une boulangerie avec les formes du pain et des gâteaux, les gestes liés à l’exercice d’un métier, les mains des coiffeurs en action, le mouvement des jambes des danseuses (qu’il dessine souvent isolées du reste du corps), la fatigue des blanchisseuses. Voir Femmes repassant du linge (1884).
Cependant, certains sujets sont liés aux préoccupations des futurs impressionnistes. Par exemple, Degas entreprend d’étudier les différentes fumées : de cigarettes, de cheminées, de trains à vapeur et de bateaux. Il pensait que le reflet des globes dans les miroirs des cafés le soir fournirait un matériau pour des variations intéressantes, et en effet, plus tard, il l’a utilisé dans ses impressions d’un music-hall ou d’un concert de café.
On ne peut qu’être frappé par le lien entre ses intentions et les possibilités récemment ouvertes par la perfection de la photographie instantanée. On sait aussi l’intérêt que Degas a toujours porté à la photographie, qu’il connaissait bien. Pour un grand nombre de ses tableaux, notamment ses portraits, on a retrouvé des épreuves photographiques de son modèle sur lesquelles, parfois après plusieurs essais, il produisait une expression du visage qu’il reproduisait ensuite fidèlement dans son tableau. On sait aussi que Degas fut l’un des premiers, sur les conseils de Braquemont, à collectionner les estampes japonaises Ukiyo-e des grands Hokusai (1760-1849), Hiroshige (1797-1858), Otamaro et Hayashi. Elles l’intéressent surtout par leur composition excentrique et leurs raccourcis. La photographie, comme l’estampe japonaise, lui permet d’étudier les vues de dessus et tous les moyens de rendre les compositions décoratives plus éloquentes et plus utiles.
Il fut aussi le premier, et Manet en fut toujours fier, à étudier les chevaux. Il y prend goût en 1862 en rendant visite à des amis appelés Valpincon qui habitent à Ménil-Hubert, près du haras du Pin dans l’Orne. Il étudie les détails du corps de l’animal au repos et en mouvement. La même année, il réalise son premier tableau sur le sujet : «Gentlemen de course, avant le départ». Il est difficile de dire ce qu’il en était au départ, car il le reprend et l’achève en 1880, et la version finale porte les traces d’une expérience très tardive.
C’est évidemment à cause de ce tableau que Manet peint en 1864 «La course à Longchamp». Mais les conceptions de ces deux artistes sont très différentes. Degas dispose très intelligemment, sans doute dans l’atelier, les silhouettes, qui sont très individuelles et qu’il a dû créer séparément, pour obtenir l’harmonie du cheval et du cavalier. L’idée de Manet est avant tout de créer une impression d’ensemble : d’un côté, une masse de chevaux au galop qui s’élancent, de l’autre, les silhouettes mélangées de la foule qui s’étire le long de la piste. C’est même l’une de ses œuvres où les figures s’intègrent mieux au paysage, partageant les tons bleutés ou verdâtres qui les entourent et s’intégrant dans une sorte de lueur d’ensemble. Voir aussi : Chevaux de course devant les tribunes (1868).
La découverte la plus importante de Degas est sans doute la scène. Vers 1868 ou 1869, à l’Opéra, son amie Désirée Dichau, bassoniste de l’orchestre, a l’idée de présenter les musiciens dans leur fosse, où ils sont habituellement à moitié cachés. Pour les maintenir à leur place tout en conservant une grande luminosité, il les place sous des projecteurs de pied, éclairant vivement les jambes et les corps des danseurs.
Dès cette première œuvre, il fait preuve d’une grande ingéniosité dans l’organisation du décor, et si les musiciens du premier plan peuvent encore être considérés comme une série de portraits (il représente plusieurs de ses amis), l’impression onirique de la scène de l’arrière-plan préfigure les pastels ultérieurs dans lesquels l’artiste dépeint des variations de danse. Voir aussi la longue série de peintures de femmes à la toilette, par exemple Femme se brossant les cheveux (1887-90).
À cette époque, Cézanne, qui avait établi sa forte personnalité parmi ses amis, apparaît complètement distant dans son œuvre. Surmontant enfin l’opposition de sa famille, il quitte la banque et se consacre entièrement à la peinture, partageant son temps entre Aix-en-Provence et Paris. Ses œuvres lourdes et puissantes portent encore l’empreinte de ses problèmes personnels. Provincial, autodidacte, poète de génie pour son temps, fils dévoué qui professe la religion catholique pour se défendre de son tempérament turbulent, Cézanne se retrouve plein de complexes dont il ne fait rien pour se débarrasser.
Grand, mince, barbe noire et voix forte, il exprime ses opinions de façon tranchante, voire grossière, et affiche un style bohème qui tranche avec le comportement de ses congénères. A chaque Salon, il expose délibérément des tableaux qu’il pense pouvoir choquer le jury ; s’il est ensuite surpris par leur refus systématique, il ne songerait pas à faire la moindre concession. La peinture est pour lui un moyen de se libérer de l’emprise de son imagination. Grand admirateur de Delacroix, d’Honoré Daumier et des Vénitiens, il conçoit de grandes compositions romantiques et les réalise dans un style maladroit et trop compliqué.
Il introduit ses obsessions sentimentales et érotiques, rêves d’odalisques et de filles esclaves, qu’il traite non pas avec amour et ardeur mais avec une dérision de l’impossible. Mais derrière cette apparente crudité se cache une approche systématique du développement du système pictural et de l’organisation de la toile. Il s’efforce de souligner la solidité et la permanence des choses, et ne voit dans le sentiment qu’un moyen d’atteindre un excès prolongé d’émotion. S’il lui semble qu’il est très en retard sur le développement de ses amis, il ne cesse pas pour autant de faire avancer son idée ; il est de ceux qui veulent aller plus loin que les autres et qui y parviennent.
Dans un premier temps, il s’attache à fixer ses impressions sur des sujets détaillés et presque élémentaires. Il pose hardiment des natures mortes sur des tissus blancs qui soulignent les formes, et l’éclat des couleurs est rehaussé par l’emploi de taches noires empruntées à Manet. Ses premiers portraits, recouverts d’une épaisse couche de pâte, avec des figures parfois plus grandes que nature, répondent strictement à l’objectif idéologique qu’il poursuit.
Le père qui lit le roman se détache de la tapisserie blanchie de son fauteuil. Ses amis Zola et Alexis sont curieusement disposés sur l’assise et les coussins comme des sages orientaux, dépouillés de tous les accessoires et décorations inutiles. (On ne peut s’empêcher de penser, par ailleurs, au portrait presque contemporain de Zola par Manet, dans lequel le visage n’a que peu de signification et la composition inclut tout ce qui est censé représenter l’homme, ses goûts et ce qui l’intéresse). Dans cette optique, l’œuvre de Cézanne apparaît comme extraordinairement audacieuse et novatrice, ce qui est sa principale caractéristique.
Cézanne est aussi le lien entre les futurs peintres impressionnistes et celui qui sera leur premier défenseur idéologique, Zola. C’est au cours d’innombrables conversations avec Cézanne que Zola prend conscience de l’importance de Manet et du rôle qu’il peut jouer à ses côtés.
En 1866, le jury du Salon, ne voulant pas que le scandale de «Olympia» se répète, rejette d’un seul coup toutes les œuvres de Manet, y compris «Fifer». Zola, qui a accepté d’écrire des critiques du Salon pour le nouveau quotidien «L’Événement», commence ses articles par deux attaques contre le jury. Dans le troisième article, il définit sa propre conception de l’œuvre d’art comme une combinaison de deux éléments, l’un fixe et réel - la nature - et l’autre individuel et subjectif - le tempérament de l’artiste. Il met audacieusement en garde contre une conception réaliste trop parcimonieuse qui, dit-il, n’est rien si elle ne subordonne pas le réalisme au tempérament. Après avoir énoncé ces principes, et alors qu’il n’a pas encore commencé à examiner les œuvres exposées, il consacre tout le quatrième article à Manet, qui a été exclu de l’exposition. Il couche sur le papier son admiration non seulement pour «Fifer», mais aussi pour les tableaux antérieurs, «Déjeuner sur l’herbe» et «Olympia», et conclut en affirmant que la place de Manet, comme celle de Courbet, est au Louvre.
Les protestations des lecteurs et des abonnés sont si vives que le rédacteur en chef décide de réduire le nombre d’articles de Zola et de les remplacer par des articles d’un critique plus conformiste. Zola n’écrit même pas les trois derniers articles qui lui ont été commandés et, après un bref panégyrique de Camille Corot (1797-1875), Charles Dubigny (1817-1878) et Camille Pissarro (1830-1903), il met fin à sa contribution. Mais il publie tous ses articles dans une brochure qu’il dédie à Paul Cézanne, avec lequel, déclare-t-il, il poursuivra en privé les conversations qu’ils ont eues pendant dix ans de leur vie, souvent ensemble, sur les grands problèmes de la création artistique.
Un an plus tard, avant l’ouverture de l’Exposition universelle, à laquelle Manet, comme Courbet, avait décidé de participer en louant un stand privé où il pouvait exposer ses œuvres en toute liberté, Zola publie une longue étude sur Manet et son œuvre, dans laquelle il note fort opportunément la nouvelle contribution de l’artiste à l’art. Selon lui, la force de Manet réside dans le fait qu’il peint en aplats, qu’il a découvert le taché, qu’il commence toujours par une note plus claire que celle qui existe dans la nature. Il voit bien qu’à la première impression, un peu lourde, il n’y a que de la délicatesse dans les tableaux de Manet, que ses couleurs ne sont jamais entassées, jamais forcées, que ses valeurs sont justes, que ses pâleurs sont fortes, que sa simplicité est tout à fait à la hauteur d’un musée. Il commente son œuvre sans passion, voyant dans «Olympia» la chair et le sang de l’artiste et soulignant l’importance de ses nouvelles marines.
Il n’y a pas grand-chose à changer à ces lignes aujourd’hui, bien qu’elles aient été écrites alors que Manet n’était qu’à la moitié de son œuvre. Il suffit de rappeler la définition qu’en donne le peintre Severini : «Voici un nouveau procédé de taché, une recherche exceptionnelle de tonalité, une nouvelle harmonie de teintes violettes». On pourrait dire qu’en art le procédé ne signifie pas grand-chose, que c’est de Monet qu’est venue toute la peinture moderne».
Les rencontres impressionnistes au Café «Herbois»
Le pavillon de Manet à l’exposition de 1867 n’a pas eu le succès escompté, alors que le pavillon de Courbet, avec quelque 110 œuvres, a attiré beaucoup plus l’attention du public, Manet ayant ravivé de vieilles querelles. Cependant, l’exposition de Manet présente toute l’essence de son œuvre en cinquante tableaux, présentés de la manière la plus digne et la plus modeste qui soit, puisque l’artiste se contente d’inviter le public à voir «quelques œuvres sincères».
Cette exposition permet à tous les jeunes artistes d’apprécier l’importance et la portée de l’œuvre de Manet. Lui seul pouvait présenter une œuvre aussi nouvelle et aussi importante. L’idée même de l’exposition a dû être laissée à ses camarades. Monet et ses amis songent à occuper le pavillon après la fermeture de l’exposition, afin de pouvoir à leur tour exposer des œuvres qui pourraient être présentées systématiquement sans l’inconvénient de se trouver dans le voisinage de l’exposition. Même s’ils ne trouvent pas l’argent pour organiser l’exposition, celle-ci reste leur objectif. L’intervention de Zola aux côtés de Manet devait également avoir des conséquences durables et donner une validité théorique aux rencontres de jeunes artistes et écrivains.
Manet, comme d’autres citadins de l’époque, avait l’habitude de se rendre le soir dans un café particulier : ce fut d’abord le Café de Bade, au 26 boulevard des Italiens. Mais ce café a beaucoup de clients, et des clients très variés. Il marque alors une préférence plus marquée pour un petit café situé au 11 rue Batignolles (aujourd’hui avenue de Clichy), le Café «Herbois». C’est là qu’il a pris l’habitude de se retrouver avec ses amis artistes et écrivains. Ils s’y retrouvaient tous les soirs, selon les préférences de chacun, mais le jeudi, ils étaient tous là.
Manet est l’aîné, le meneur, mais s’il déborde de vivacité, il garde toujours dans la discussion la politesse et la subtilité raffinée. Parmi ceux qui avaient l’habitude de se retrouver ici, il y avait des écrivains et des critiques - Zola, Duranty, Astruc, Duret, Bertie, Cladel - des artistes - Fantin-Latour, Guillet, Braquemond, Degas, puis Basile, Cézanne, Sisley, Monet, Pissarro, Desboutin - de simples amis - le commandant Lejosne, le musicien Maitre, le photographe Nadar.
Dans ces réunions brillantes, où l’esprit coule à flots, parfois acerbes, Manet et ses amis écrivains, ainsi que Degas, qui, malgré sa monotonie insistante, participe incontestablement aux discussions, se taillent d’abord la part du lion. Mais peu à peu, des problèmes d’intérêt purement pictural, principalement d’ordre technique, semblent prendre le dessus et sont discutés avec sérieux.
Monet, qui écoute plus qu’il ne parle, peut-être gêné par son éducation, expose sa grande expérience. Cézanne interrompt avec une véhémence parfois peu compréhensible pour souligner ce qui lui semble important. Renoir, dont l’esprit n’est pas théorique, exprime avec humour et naturel ses idées personnelles non conformistes. Pissarro, qui se déplace parfois de Louveciennes, impressionne tout le monde par la générosité de ses idées et la bonté inflexible de ses convictions. Au fil des discussions et des désaccords, le groupe devient de plus en plus uni et amical et commence à prendre une forme bien définie.
Les réunions au Café «d’Herbois» deviennent importantes à partir de 1867 et doivent, en fait, dater de 1868 et 1869. Si elles ne survivent pas à la guerre, c’est qu’elles ont déjà atteint leur but : elles permettent aux artistes de mieux se connaître et de mieux définir leurs positions. A ce moment-là, la discussion entre artistes doit céder la place au travail. Il est d’ailleurs symptomatique que Fantin-Latour ait préféré placer le groupe et ses amis non pas dans un café mais dans un atelier imaginaire idéal.
Dans ce tableau «Atelier aux Batignolles», peint en 1869 et exposé en 1870, Manet est assis devant un tableau entouré de Renoir, Bazille, Monet, Astruc, Zola et Maître, ainsi que du peintre allemand Scholderer. En fait, il y eut de nombreuses rencontres de ce genre, mais pas chez Manet, mais dans l’atelier de Basile. Basile s’installa près du Café «d’Herbois» et laissa un petit tableau de 1870, libre comme une esquisse, montrant ses amis et lui-même en train de parler et de travailler. Dans cette œuvre, Manet et Monet discutent d’une toile que Basile est en train de peindre, tandis que Maitre joue du piano et que Zola converse avec Sisley. C’est Manet qui a peint le personnage de Basile.
Voir le marchand d’art et chantre de l’impressionnisme Paul Durand-Ruel .
Nous remercions Jacques Lassagne pour l’utilisation d’un extrait de «L’impressionnisme» (1966).
Si vous remarquez une erreur grammaticale ou sémantique dans le texte, veuillez la spécifier dans le commentaire. Merci!
Vous ne pouvez pas commenter Pourquoi?