Maria Santi:
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Titien a été appelé «le roi des peintres, le peintre des rois». Ce qualificatif était si séduisant qu’il a été repris par des peintres aussi différents que Rubens et Glazounov. Qu’est-ce qui a été déterminant dans l’émergence d’un succès d’une telle ampleur?
Le travail?
Titien labourait. Il finit par installer un atelier et, avec l’aide d’une main-d’œuvre salariée, il progresse encore. Les clients veulent se voir en saints sur ses toiles et se précipitent de tous côtés. Mais c’est ainsi que travaillent tous les grands artistes. La concurrence est telle que, malgré tous les mérites du maître, sa place dans la vie artistique de Venise est interceptée par Pordenone, puis par Tintoret.
Un talent divin?
«Divin» &ndash ; synonyme de «Je ne sais pas». Nous avons le droit de ne pas savoir. Mais pourquoi exercer ce droit quand on peut regarder les toiles de Dürer, Raphaël, Véronèse, Lotto, et constater que leur goût exigeant n’est pas moins ingénieux. Le talent de Titien, surtout dans le domaine du portrait, est indéniable. Un pape s’est même assis devant son image. Il l’aima tellement «que Titien quitta définitivement Rome.
Mais le talent n’explique pas comment devenir roi parmi une centaine d’artistes talentueux.
Des clients?
De généreux mécènes influents décident de presque tout dans le destin social d’un artiste. Montrons-en quelques-uns.
Titien. «Portrait de l’inquisiteur, Doge Andrea Gritti»
Dans sa jeunesse, Gritti se fait passer pour un marchand de grains à Constantinople. En réalité, il espionnait en faveur de Venise. Lorsque les Turcs l’apprirent, ils l’emprisonnèrent. Il s’évade alors, non sans l’aide d’une femme.
Lorsqu’il est élu doge, ses adversaires vénitiens brandissent une preuve : Gritti a eu trois fils illégitimes dans l’Empire ottoman. Et alors? Au moins, il aimait les vêtements de luxe, les bagues et était un grand guerrier.
Titien. «Portrait de Charles Quint dans un fauteuil»
Dans sa maturité, pliant toute l’Europe, Charles Quint aime les orgies. Dans sa vieillesse &ndash ; il se croise devant «la Trinité» du Titien avec des mains goutteuses et se plaint de vouloir céder le contrôle de l’empire à son fils. Charles répéta ses propres funérailles jusqu’à l’enterrement et la mise en terre.
Et un jour, il reprit un pinceau abandonné par Titien.
Titien. «Vénus et l’organiste»
Philippe II, représenté dans ce tableau, brûlait activement les hérétiques et s’appropriait leurs biens. Avec cet argent, le roi pieux combattit et commanda à Titien des tableaux sur ses préoccupations sexuelles.
Comment les choses se sont-elles passées dans la réalité?
Charles Quint avait promis une récompense généreuse et ses fonctionnaires ont retenu ou volé l’argent. En raison du voyage, au cours duquel Titien a travaillé pour Charles et son fils Philippe II, les autorités vénitiennes l’ont privé de son salaire annuel. Elles ont même menacé de confier définitivement le poste à quelqu’un de plus diligent. On peut les comprendre : l’artiste traîne impitoyablement les pieds pour respecter les délais.
Et certains ducs de Mantoue ont promis 900 ducats et en ont payé 300! Pour trois tableaux. Et ce, bien que les étoiles de la peinture à Rome fassent la sourde oreille à des commandes de 1000.
Quel est ce roi qui doit labourer jusqu’à sa vieillesse et qui ne connaît même pas un mois de stabilité? Voilà le vrai roi.
Et c’est ce qu’Aretino a fait du Titien.
Le triumvirat Aretino-Sansovino-Titien est celui qui a le mieux réussi à Venise. Le premier d’entre eux était un génie du PR noir. On lui envoyait des cadeaux pour éviter les torrents de boue talentueusement formulés. Aretino n’a pas seulement inventé un métier, il a généreusement partagé son prestige avec qui il voulait. Et lorsque de prétendus humanistes lui reprochaient ses origines modestes &ndash ; il continuait simplement à réunir les plus belles courtisanes de Venise pour des dîners en tête-à-tête.
En faisant l’éloge de Charles Quint, le publiciste a mentionné le tableau du Titien comme un cadre digne du pouvoir impérial.
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