Histoire de la langue arabe :
des dialectes classiques aux dialectes modernes
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L’arabe, l’une des langues sémitiques les plus parlées, a connu un long processus évolutif s’étalant sur plus de mille cinq cents ans. Apparu à l’époque préislamique et florissant après l’essor de l’islam, l’arabe a connu de nombreuses transformations tout en conservant sa structure interne et son importance culturelle. Aujourd’hui, il constitue un continuum linguistique qui comprend l’arabe standard moderne et de nombreux dialectes parlés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Cet article explore le développement historique de l’arabe, son évolution de sa forme classique à ses variantes dialectales modernes, ainsi que son importance culturelle et politique dans l’histoire de la civilisation mondiale.
2 Arabe classique
3 Les conquêtes islamiques et la diffusion de l’arabe
4 Renouveau et modernisation de la langue arabe
5 Arabe standard moderne
6 Les principaux groupes dialectaux de la langue arabe
7 La langue arabe dans le monde moderne
Période préislamique de la langue arabe
Les origines de la langue arabe remontent à l’Antiquité, bien avant l’avènement de l’islam. Les recherches archéologiques et linguistiques montrent que diverses formes d’arabe existaient dans la péninsule arabique dès le premier millénaire avant J.-C.
Premières preuves et origines
L’arabe préclassique est un terme générique désignant toutes les variétés d’arabe parlées dans la péninsule arabique avant l’avènement de l’islam et l’émergence de l’arabe classique au VIIe siècle de notre ère. La plus ancienne trace connue de l’arabe est une inscription bilingue trouvée à Bayir, en Jordanie, rédigée en arabe ancien et en cananéen.
L’arabe est une langue sémitique centrale, ce qui la rend apparentée à l’hébreu, à l’araméen et à d’autres langues sémitiques. Elle s’en distingue par plusieurs innovations linguistiques, notamment un système distinctif de particules négatives, des prépositions et des adverbes spécifiques, une terminaison du subjonctif en -a et l’utilisation particulière de la particule f- pour introduire les propositions modales.
Contrairement à la croyance populaire, les Arabes préislamiques ne vivaient pas complètement isolés des autres peuples. Tout au long de leur histoire, ils ont étroitement interagi avec les civilisations voisines, ce qui s’est reflété dans le développement de leur langue. Des études épigraphiques et archéologiques montrent que l’arabe est entré en contact avec diverses langues voisines, dont l’araméen, le vieux sudarabique, le cananéen et le grec.
Dialectes tribaux et situation linguistique
Avant l’avènement de l’islam, la situation linguistique dans la péninsule arabique était extrêmement diversifiée. Différentes tribus arabes parlaient leurs propres dialectes, généralement considérés comme une «langue pure» (lisan fasih). Les dialectes de la région occidentale du Hedjaz et des tribus bédouines orientales de Tamim étaient considérés comme particulièrement prestigieux.
Les tribus d’Arabie ont conservé leurs dialectes non seulement comme moyen de communication, mais aussi comme symbole d’identité et de fierté tribales. Lorsque les différentes tribus se rencontraient dans des centres commerciaux et religieux comme La Mecque, un mélange de dialectes se produisait. Progressivement, de ces interactions est née la première forme de langue commune, connue sous le nom de « koinè poétique ou littéraire ».
Les premiers philologues arabes se tournaient souvent vers les locuteurs de dialectes tribaux comme sources d’information linguistique. Les nomades (a’rab) servaient souvent d’informateurs, voire d’arbitres, dans les conflits linguistiques entre érudits.
Écriture arabe ancienne
L’écriture arabe a une longue histoire. Selon les recherches, elle dérive de l’alphabet nabatéen, lui-même dérivé de l’araméen. Les Nabatéens, les Arabes qui fondèrent un État à Pétra (Jordanie actuelle), parlaient un dialecte arabe, mais écrivaient dans une écriture araméenne modifiée.
Aux IIe et Ier siècles avant J.-C., l’écriture nabatéenne commença à acquérir les caractéristiques qui allaient devenir la base de l’alphabet arabe. Initialement, il existait deux versions de cette écriture : le style nabatéen monumental pour les inscriptions sur pierre et le style plus cursif pour l’écriture sur papyrus. C’est ce style cursif qui a progressivement évolué vers ce que nous connaissons aujourd’hui comme l’alphabet arabe.
Bien que les premières inscriptions complètes en arabe datent d’après l’essor de l’islam, les fondements de l’écriture arabe ont été posés bien plus tôt. Certains chercheurs font remonter sa formation au IIIe siècle de notre ère.
Arabe classique
Avec l’avènement de l’islam au VIIe siècle, un nouveau chapitre de l’histoire de la langue arabe s’ouvre. Cette période est caractérisée par la standardisation et la systématisation de la langue, qui ont conduit à la formation de l’arabe classique.
Le Coran et la standardisation de la langue arabe
L’événement clé du développement de la langue arabe fut l’apparition du Coran. Le modèle linguistique du Coran acquit immédiatement une place importante parmi tous les dialectes arabes. La langue du Coran, également appelée arabe classique, devint la référence en matière de pureté et d’éloquence.
Avec la propagation de l’islam, il est devenu nécessaire de normaliser et de préserver la langue du Coran. Les musulmans qui étudiaient le texte sacré ont initié le processus de codification linguistique. Des érudits et philologues tels qu’Abou al-Aswad al-Duali, Sibawayhi et Ibn Duraid ont élaboré des règles de grammaire et de vocabulaire, s’appuyant principalement sur la langue du Coran, considérée comme un «livre arabe clair», un modèle de pureté de la parole en raison de son origine divine.
L’arabe classique est devenu non seulement la langue des textes religieux, mais aussi le principal moyen de communication écrite durant les périodes omeyyade et abbasside (VIIe-IXe siècles). De nombreux musulmans étudient encore l’arabe classique spécifiquement pour lire le Coran dans sa langue originale.
Les premières écoles de grammaire
La codification formelle de la grammaire arabe a débuté peu après les conquêtes musulmanes. L’identité du premier grammairien arabe reste controversée : certaines sources citent Abu al-Aswad al-Du’ali, auteur des signes diacritiques et des voyelles au milieu du VIIe siècle, tandis que d’autres attribuent ce pionnier à Ibn Abi Ishaq, mort en 735-736.
À la fin du VIIIe siècle, deux grandes écoles grammaticales avaient émergé : l’école basrienne et l’école koufie. Les représentants de l’école basrienne, Al-Khalil ibn Ahmad al-Farahidi, auteur du premier dictionnaire arabe et ouvrage sur la prosodie arabe, et son élève Sibawayhi, auteur du premier ouvrage sur la théorie de la grammaire arabe, posèrent les bases fondamentales de l’étude de la langue arabe. L’école koufie, fondée par Al-Ruasi, développa des concepts grammaticaux alternatifs, bien que nombre de ses ouvrages aient été perdus.
La rivalité entre ces écoles a contribué au développement global de la linguistique arabe. Les deux écoles ont utilisé le Coran comme source principale pour établir les règles de la grammaire arabe, contribuant ainsi à asseoir son statut de norme linguistique.
Développement de l’écriture arabe
L’écriture de l’arabe classique a connu des changements importants au début de l’ère islamique. L’écriture arabe originale ne comportait pas de points pour distinguer les lettres similaires ni de signes diacritiques pour indiquer les voyelles. Cela rendait la lecture difficile, surtout pour les non-Arabes convertis à l’islam.
Abu al-Aswad al-Duali et al-Khalil ibn Ahmad al-Farahidi ont développé un système de points et autres signes diacritiques (tashkil) qui facilitait la prononciation correcte des mots. Ces innovations avaient un double objectif : préserver la forme et la prononciation exactes du Coran et protéger la langue arabe de toute déformation.
Aux débuts de l’écriture, de nombreuses réformes furent menées pour améliorer la structure de l’alphabet et le système de vocalisation. Progressivement, l’écriture arabe évolua d’un système d’écriture simple vers un art calligraphique raffiné, étroitement lié à la tradition religieuse et culturelle. La calligraphie devint une profession disciplinée, où l’art se mêlait à la science et à la spiritualité.
Les conquêtes islamiques et la diffusion de l’arabe
La langue arabe s’est répandue au-delà de la péninsule arabique grâce aux conquêtes islamiques des VIIe et VIIIe siècles, ce qui a conduit à sa diffusion dans de vastes régions du Moyen-Orient, de l’Afrique du Nord et de la péninsule ibérique.
Arabisation de nouveaux territoires
La langue arabe s’est répandue en Afrique du Nord lors des conquêtes des Rachidun et des Omeyyades, lorsque quelque 150 000 Arabes se sont installés au Maghreb. Les forces militaires arabes ont établi des colonies dans les territoires conquis, ce qui a conduit à la formation de nouveaux dialectes arabes, comme le marocain. L’arabisation a été particulièrement intense dans les villes, où Arabes et Berbères cohabitaient, bien que le processus ait été plus lent dans les zones rurales.
En 637, les musulmans conquirent la Perse et Jérusalem, puis Alexandrie (Égypte) en 641. En 711, les Arabes musulmans conquirent l’Espagne et, en 717-718, ils tentèrent même de s’emparer de Constantinople et avancèrent en Europe occidentale jusqu’en France.
Il est intéressant de noter que l’arabisation complète de nombreuses régions n’a pas eu lieu immédiatement après les conquêtes musulmanes. Par exemple, en Égypte, la période de bilinguisme copte-arabe a duré plus de trois siècles en Basse-Égypte, et plus longtemps encore dans le sud du pays. Les chroniqueurs locaux mentionnent l’usage continu du copte comme langue parlée jusqu’au XVIIe siècle chez les paysannes de Haute-Égypte.
L’âge d’or de la civilisation islamique
L’avènement des Abbassides en 750 marqua le début d’une nouvelle ère dans l’histoire du monde et de la langue arabes. Bagdad devint le centre de l’empire musulman et marqua le début de l’âge d’or de la civilisation islamique, qui dura jusqu’à l’invasion mongole en 1258.
Durant cette période, l’arabe devint la langue internationale des sciences, de la philosophie, de la médecine et de la littérature. Sous le patronage des califes abbassides, les érudits musulmans construisirent le premier observatoire astronomique, traduisirent des textes grecs anciens en arabe, perfectionnèrent et diffusèrent l’alphabet et les chiffres arabes, développèrent l’astrolabe pour la navigation, créèrent un vaste corpus littéraire et historique arabe, et firent progresser l’agriculture, la médecine et la technologie.
Un événement important fut la fondation d’une école de médecine à Bagdad en 765. Les Arabes établirent également des routes commerciales régulières à travers l’Afrique du Nord et le Sahara vers les royaumes d’Afrique de l’Ouest du Mali et du Ghana. Le réseau commercial arabe facilita les échanges d’idées et de technologies entre différentes cultures.
Formation de nouveaux dialectes
Avec l’expansion du monde islamique et l’implantation des Arabes sur de nouveaux territoires, la formation de dialectes régionaux de l’arabe a commencé. Ce processus s’est intensifié au XIe siècle, lorsque les tribus bédouines des Banu Hilal et des Banu Sulaym ont migré vers l’Afrique du Nord.
L’arabe maghrébin, par exemple, a été façonné par deux traditions linguistiques : l’arabe urbain remontant aux premières conquêtes musulmanes des VIIe et VIIIe siècles (arabe pré-hilal) et les dialectes arabes bédouins apportés par les tribus nomades aux XIe et XIIe siècles (arabe hilal). Selon certaines sources, environ un million d’Arabes ont migré vers le Maghreb au XIe siècle, ce qui a radicalement modifié la situation démographique et linguistique de la région.
Des processus similaires se sont produits dans d’autres régions du monde arabe, conduisant à l’émergence de caractéristiques régionales distinctives en matière de prononciation, de grammaire et de vocabulaire. Ces dialectes se sont progressivement éloignés les uns des autres, bien que l’arabe classique ait continué à fonctionner comme une langue littéraire unique.
Renouveau et modernisation de la langue arabe
Après une période de déclin culturel relatif suite à l’invasion mongole et à la chute du califat abbasside, la langue arabe est entrée dans une nouvelle phase de son développement à la fin du XIXe et au début du XXe siècle.
Nahda - Renouveau arabe
Le terme « Nahda » (littéralement « réveil ») désigne une période de renouveau culturel et intellectuel dans le monde arabe, du début du XIXe au début du XXe siècle. Cette période fut caractérisée par la modernisation de la langue, de la littérature et de la pensée sociale, sous l’influence des contacts avec la civilisation occidentale.
La Nahda a introduit des modes de lecture et d’écriture innovants, de nouvelles pratiques sociales de transmission du savoir, des liens transnationaux et des idées politiques modernes. Des modèles arabes de nationalisme et de laïcité, ainsi que des concepts de renouveau islamique, ont émergé durant cette période.
Les aspects clés de ce mouvement furent les réformes linguistiques, le développement des activités de traduction, l’émergence de nouveaux genres littéraires (dont le roman), la création de périodiques et d’une industrie éditoriale moderne, la formation d’associations professionnelles et de salons intellectuels, et la réforme du système éducatif.
L’influence des contacts et de la technologie occidentale
Le début de la période moderne de l’histoire de la langue arabe est considéré comme la campagne de Napoléon en Égypte et en Syrie (1798-1801), époque à laquelle les contacts entre le monde occidental et la culture arabe se sont considérablement intensifiés. Napoléon a introduit l’imprimerie en Égypte en 1798, qui, bien que disparue après le retrait français en 1801, a été réintroduite par Méhémet Ali Pacha quelques années plus tard à Boulaq (banlieue du Caire).
Le premier journal imprimé en langue arabe, le journal bilingue turco-arabe al-Waqa’i al-Misriyya, fut fondé en 1828 et exerça une influence considérable sur la formation de l’arabe standard moderne. Il fut suivi par d’autres publications telles qu’al-Ahram (1875) et al-Muqattam (1889).
Les contacts arabo-occidentaux et les progrès technologiques, notamment dans le domaine de l’imprimerie et de l’édition, ont indirectement contribué au renouveau de la littérature arabe. Un autre facteur important a été la création d’écoles enseignant exclusivement en arabe, en opposition à la turquisation des territoires arabes sous domination ottomane.
Académies de langue arabe
Dans un contexte de renouveau culturel et de prise de conscience nationale croissante, la protection institutionnelle et le développement de la langue arabe se sont avérés nécessaires. Cette question s’est particulièrement posée pendant l’occupation britannique de l’Égypte, qui a débuté en 1882, lorsque l’anglais a été activement imposé dans le système éducatif et que certains ont préconisé l’utilisation de l’arabe parlé plutôt que de l’arabe littéraire.
La première tentative de création d’une académie de langues a été faite sous le khédive Abbas Helmi II en 1892. Le 18 mai 1892, d’éminents érudits, hommes de lettres et intellectuels se sont réunis au palais de Tawfiq al-Bakri pour discuter de l’initiative. Parmi les participants figuraient Cheikh al-Shanqiti, Cheikh Muhammad Abduh et d’autres personnalités éminentes. La première Académie de langue arabe a été fondée sous la présidence de Muhammad Tawfiq al-Bakri.
Cette académie n’a tenu que sept sessions, mais a réussi à introduire de nouveaux termes encore utilisés aujourd’hui : shurti (policier), bahu (hall), mutaf (manteau) et kufas (gants). Une académie à part entière n’a été créée qu’en 1932 par décret royal. Elle était chargée de préserver l’intégrité de la langue arabe, d’assurer sa pertinence pour la science, l’art et la civilisation moderne, de compiler un dictionnaire linguistique historique, d’étudier les dialectes arabes modernes et de publier des recherches scientifiques.
L’Académie fut inaugurée le 30 janvier 1934 sous le nom d’«Académie royale de la langue arabe». Après la révolution égyptienne de 1952, elle fut rebaptisée «Académie de la langue arabe».
Arabe standard moderne
L’arabe standard moderne (MSA) ou l’arabe écrit moderne (MWA) est une forme d’arabe littéraire standardisé qui s’est développée dans le monde arabe à la fin du XIXe siècle et qui fonctionne aujourd’hui comme la langue officielle de tous les pays arabes.
Structure et caractéristiques
L’arabe standard moderne est très proche de l’arabe classique sur le plan grammatical, malgré quelques différences de vocabulaire, d’expressions idiomatiques et de normes stylistiques. L’arabe classique et l’arabe standard moderne partagent une structure grammaticale essentiellement identique, ce qui assure la continuité entre les textes sacrés et la communication moderne.
La grammaire de l’arabe est similaire à bien des égards à celle des autres langues sémitiques. L’arabe possède une morphologie complexe basée sur un système de racines triconsonantiques à partir desquelles les mots sont formés en utilisant divers modèles de voyelles et d’affixes.
Une caractéristique importante de la langue arabe est sa diglossie – la coexistence de deux formes de la langue : la variante littéraire « élevée » (arabe standard moderne) et la variante familière « basse » (dialectes locaux). Cette situation crée une certaine tension dans les sociétés arabophones, notamment dans les domaines de l’éducation et des médias.
Fonctions dans le monde arabe moderne
L’arabe standard moderne est la langue officielle utilisée par le gouvernement, la législation et le système judiciaire des pays arabes. C’est également la langue de l’éducation, de la communication formelle, d’une grande partie de la presse écrite et du discours religieux.
Bien que les dialectes parlés dominent la communication quotidienne, l’arabe musulman demeure un symbole de l’unité arabe et un lien important entre les différentes parties du monde arabe. Il sert également de moyen de communication entre les locuteurs de différents dialectes arabes qui peuvent avoir des difficultés à se comprendre.
Dans certains pays arabes, comme l’Algérie, l’arabe maghrébin était autrefois enseigné comme une matière à part entière pendant la colonisation française, et il existait même des manuels dans ce dialecte, mais les autorités officielles ne soutiennent pas actuellement cette pratique, préférant l’arabe standard.
Diglossie et politique linguistique
Le monde arabe présente l’une des situations de diglossie les plus complexes au monde. Dans le contexte arabe, la diglossie désigne la coexistence de deux variétés d’une langue : une variété élevée (MSA ou arabe classique), utilisée dans les situations formelles, et une variété faible (dialectes familiers), utilisée dans la communication quotidienne.
Les opinions divergent quant aux origines de la diglossie arabe. La théorie arabe traditionnelle attribue son apparition au premier siècle de l’Islam, à la suite des conquêtes arabes, lorsque les non-Arabes ont commencé à parler arabe. Une opinion plus répandue aujourd’hui est que la diglossie n’est pas un phénomène préislamique, mais qu’elle est apparue progressivement grâce aux contacts linguistiques entre l’arabe et d’autres langues dans les territoires conquis.
La politique linguistique dans les pays arabes s’est généralement concentrée sur le soutien et la diffusion de l’arabe standard moderne, même si ces dernières années, l’importance des dialectes a été de plus en plus reconnue, notamment dans des domaines tels que la culture populaire, les médias sociaux et l’éducation informelle.
Les principaux groupes dialectaux de la langue arabe
Les dialectes arabes forment un continuum qui s’étend du Maroc à l’Irak et de la Syrie au Yémen. Malgré des différences significatives entre dialectes éloignés, il existe un degré relativement élevé d’intelligibilité mutuelle entre variétés géographiquement adjacentes.
arabe égyptien
L’arabe égyptien est l’un des dialectes arabes les plus parlés et compris, grâce à l’influence de l’industrie cinématographique et des médias égyptiens. Son histoire s’étend sur plus de mille ans, commençant avec la conquête musulmane de l’Égypte au VIIe siècle.
L’arabe a commencé à pénétrer l’Égypte avant l’islam, par le désert oriental et le Sinaï. Certains mots de l’arabe égyptien dérivent de racines égyptiennes antiques. Après la conquête musulmane, les Égyptiens de la vallée du Nil ont progressivement adopté l’arabe comme langue écrite, tout en continuant à parler le copte ou le grec koinè pendant plusieurs siècles.
L’arabe égyptien a commencé à prendre forme à Fostat, première capitale islamique d’Égypte, aujourd’hui intégrée au Caire. L’un des premiers témoignages linguistiques sur l’arabe du Caire, le document de Yusuf al-Maghribi du XVIe siècle intitulé « L’élimination d’un fardeau de la langue du peuple du Caire », montre que malgré ses nombreuses divergences avec l’arabe classique, le dialecte cairote a conservé un lien étroit avec celui-ci.
L’arabe égyptien présente des variations régionales. Le dialecte d’Alexandrie (delta occidental) diffère de celui du Caire (delta sud) par des caractéristiques telles que l’utilisation du mot « falafel » au lieu de « ta’amiyya » et une prononciation particulière du mot « gineh » (livre égyptienne). Le parler alexandrin se caractérise également par l’utilisation du préfixe « ne- » à la première personne du singulier et du pluriel, au présent et au futur.
Le dialecte de Port-Saïd (Delta oriental) est plus guttural que celui des autres régions. Les dialectes ruraux du nord de l’Égypte présentent leurs propres particularités phonétiques et grammaticales, notamment le remplacement des prononciations urbaines de /g/ et /q/ par [ʒ] et [g] respectivement dans certaines régions.
arabe levantin
L’arabe levantin (sham) est un groupe dialectal parlé en Syrie, au Liban, en Jordanie et en Palestine. Ce dialecte a de profondes racines historiques et rassemble plus de 54 millions de locuteurs dans la région.
Le dialecte levantin a évolué au fil des siècles sous l’influence de diverses cultures : la civilisation grecque, les conquêtes romaines, les contacts avec les Perses et la présence ottomane. Au sein du groupe levantin, on trouve des sous-dialectes tels que l’arabe damascène, l’arabe palestinien et l’arabe libanais, chacun possédant ses propres caractéristiques.
L’importance culturelle de l’arabe sham va bien au-delà d’un simple moyen de communication. Il est profondément ancré dans la musique, la littérature et les médias de la région. Des icônes musicales comme Fairuz ont immortalisé l’arabe levantin dans leurs mélodies, et des écrivains comme Ghassan Kanafani ont su saisir la profondeur émotionnelle du dialecte dans leurs écrits.
L’arabe levantin est grammaticalement plus souple et plus simple que l’arabe standard. Il possède un ordre des mots flexible (structures VSO et SVO), une conjugaison simplifiée des verbes, deux genres grammaticaux (masculin et féminin) et des règles de prononciation spécifiques pour les articles définis. La plupart des noms féminins se terminent par ta-marbuta (ـة), et le duel se forme en ajoutant le suffixe -ēn (ين-).
dialectes du Maghreb
L’arabe maghrébin comprend des dialectes d’Afrique du Nord – Maroc, Algérie, Tunisie et Libye. Ce groupe dialectal comprend deux lignées historiques : l’arabe pré-hilal, issu des Arabes urbains arrivés au Maghreb lors des conquêtes musulmanes des VIIe et VIIIe siècles, et l’arabe hilal, introduit par les tribus bédouines des Banu Hilal et des Banu Sulaym aux XIe et XIIe siècles.
Les dialectes maghrébins forment un continuum, avec un haut degré d’intelligibilité mutuelle entre variétés géographiquement proches (par exemple, entre les dialectes de l’est du Maroc et de l’ouest de l’Algérie, ou de l’est de l’Algérie et du nord de la Tunisie), mais avec des difficultés marquées de compréhension entre des formes plus éloignées, comme la darija marocaine et tunisienne.
L’une des particularités de l’arabe maghrébin est l’utilisation du préfixe n- comme marqueur de la première personne du singulier des verbes, ce qui le distingue des dialectes levantins et de l’arabe standard moderne. Le vocabulaire de l’arabe maghrébin est principalement sémitique et arabe, mais comprend un nombre important d’emprunts berbères (de 2 à 3 % en libyen à 10 à 15 % en arabe marocain), ainsi que des traces de substrat punique.
L’arabe maghrébin continue d’évoluer, incorporant de nouveaux mots français et anglais, notamment dans les domaines techniques, ou remplaçant d’anciens mots empruntés au français et à l’italien/espagnol par des mots de l’arabe standard moderne dans certains cercles.
Arabe mésopotamien
L’arabe mésopotamien (irakien) est parlé en Irak, ainsi que dans certaines régions de Syrie, dans le sud-est de la Turquie, en Iran, au Koweït et dans la diaspora irakienne. L’araméen étant la langue véhiculaire de la Mésopotamie du début du Ier millénaire avant notre ère à la fin du Ier millénaire de notre ère, l’arabe mésopotamien conserve un substrat araméen. Certaines de ses variétés, comme le ghélét et le judéo-irakien, conservent des caractéristiques de l’araméen babylonien.
L’arabe mésopotamien compte deux principales variétés : le guélét et le celtique, dont les noms dérivent de la forme du mot « j’ai dit » dans chaque dialecte. L’arabe guélét est une variété bédouine parlée par les musulmans (sédentaires et nomades) du centre et du sud de l’Irak, et par les nomades du reste du pays. L’arabe celtique est un dialecte urbain parlé par les non-musulmans du centre et du sud de l’Irak (y compris Bagdad) et par les populations sédentaires (musulmanes et non musulmanes) du reste du pays.
Les groupes non musulmans comprennent les chrétiens, les yézidis et les juifs (avant l’expulsion de la plupart des juifs irakiens dans les années 1940 et 1950). Géographiquement, la division Gelet-Keltu correspond approximativement à la Haute et à la Basse Mésopotamie, avec une isoglosse entre le Tigre et l’Euphrate.
dialectes arabes
Les dialectes arabes, qui comprennent les variétés saoudienne, émiratie, qatarie, bahreïnienne, koweïtienne, omanaise et yéménite, se sont développés relativement près du centre des origines de l’arabe. Ils conservent certains traits archaïques, bien qu’ils présentent des innovations significatives en matière de prononciation, de grammaire et de vocabulaire.
Comme dans d’autres régions du monde arabe, les dialectes arabes varient considérablement. Par exemple, les dialectes du nord de l’Arabie sont plus proches du mésopotamien et du levantin, tandis que les dialectes du sud de l’Arabie conservent certaines caractéristiques des langues sud-arabiques anciennes. Les dialectes bédouins sont généralement plus conservateurs, préservant des traits archaïques, tandis que les dialectes urbains font preuve de plus d’innovation et d’emprunts à d’autres langues.
Une caractéristique importante des dialectes arabes est leur statut de plus prestigieux parmi les dialectes arabes, en raison de leur lien avec l’islam et la culture arabe ancienne. Ce prestige est particulièrement perceptible dans les contextes religieux, où la variété saoudienne est souvent perçue comme plus «pure» ou «correcte» en raison de sa proximité avec les lieux saints de l’islam – La Mecque et Médine.
La langue arabe dans le monde moderne
Statut sociolinguistique et politique linguistique
L’arabe jouit d’un statut particulier dans le monde moderne : il est l’une des six langues officielles des Nations Unies et la langue officielle de 22 pays, soit une population totale d’environ 400 millions d’habitants. Il est également la langue religieuse de plus de 1,8 milliard de musulmans dans le monde.
Dans les pays arabes, la politique linguistique vise généralement à soutenir et à diffuser l’arabe standard moderne comme symbole d’unité nationale et culturelle. Cependant, la mise en œuvre pratique de cette politique se heurte au problème de la diglossie et à l’influence croissante des langues occidentales, notamment l’anglais et le français.
Dans le système éducatif des pays arabes, il existe un décalage entre la langue d’enseignement (MSA) et la langue courante des élèves (dialectes locaux), ce qui crée des difficultés supplémentaires dans le processus éducatif. Certains éducateurs et linguistes préconisent une approche plus flexible, tenant compte de la réalité linguistique.
Les attitudes envers les dialectes varient selon les pays arabes. Dans certaines régions, notamment au Maghreb, les dialectes sont parfois perçus comme une menace pour la «pureté» de la langue arabe et l’identité nationale. Ailleurs, comme au Liban, l’attitude est plus tolérante envers les dialectes et leur utilisation dans divers domaines, notamment la littérature et les médias.
Problèmes et défis de notre temps
La langue arabe est confrontée à de nombreux défis dans le monde moderne. L’un des principaux est l’influence croissante de l’anglais et d’autres langues occidentales, notamment dans les domaines des sciences, de la technologie, des affaires et de l’enseignement supérieur. Dans de nombreux pays arabes, l’anglais ou le français sont utilisés dans les universités prestigieuses et les entreprises internationales, ce qui pose le problème des limitations fonctionnelles de la langue arabe.
Un autre problème est la diglossie, ou l’écart entre les différentes variétés d’arabe. L’intelligibilité mutuelle entre locuteurs de différents dialectes peut être faible, en particulier entre des régions géographiquement éloignées, comme entre l’arabe marocain et l’arabe irakien. Cela rend la communication panarabe difficile et contribue à l’essor de l’anglais comme lingua franca neutre, même parmi les Arabes.
Les difficultés techniques liées à l’adaptation de l’arabe aux technologies numériques modernes constituent également un défi majeur. Malgré des avancées significatives ces dernières années dans les claviers arabes, les logiciels de reconnaissance vocale et la traduction automatique, l’arabe rencontre encore des difficultés dans l’environnement numérique, en partie en raison de la complexité de son écriture et de sa morphologie.
Langue arabe et identité nationale
La langue arabe joue un rôle central dans la formation de l’identité nationale et culturelle des peuples arabes. Elle est considérée non seulement comme un moyen de communication, mais aussi comme le gardien d’un riche patrimoine culturel, un lien avec l’âge d’or de la civilisation islamique et un symbole de l’unité de la nation arabe.
Le lien entre l’arabe et l’islam revêt une importance particulière. En tant que langue du Coran, l’arabe acquiert un statut sacré pour les musulmans, ce qui contribue à sa préservation et à sa diffusion même dans les pays musulmans non arabo-musulmans. Des millions de non-musulmans étudient l’arabe précisément pour lire le Coran dans sa langue originale.
Les dialectes régionaux jouent également un rôle important dans l’identité locale. Ils sont souvent associés à la culture populaire, aux traditions et à la vie quotidienne, contrairement à l’arabe standard moderne, plus formel et abstrait. Cette dualité – l’arabe standard comme symbole de l’unité panarabe et les dialectes locaux comme expressions de l’identité locale – caractérise la situation sociolinguistique complexe du monde arabe.
Perspectives de développement
Malgré les défis, l’arabe a fait preuve d’une vitalité et d’une adaptabilité considérables aux conditions changeantes. Les académies de langue arabe de divers pays arabes s’emploient activement à moderniser la langue, à créer une nouvelle terminologie pour les domaines scientifiques et techniques et à normaliser l’arabe moderne.
La révolution numérique ouvre de nouvelles perspectives à la langue arabe. Le nombre de ressources en ligne, de médias sociaux, de blogs et de sites web en arabe est en constante augmentation. Les technologies de traitement du langage naturel adaptées à l’arabe se développent, facilitant son intégration dans l’environnement numérique moderne.
Les réformes éducatives dans les pays arabes visent à accroître l’efficacité de l’enseignement de l’arabe, en tenant compte de la réalité linguistique. Certains enseignants expérimentent de nouvelles méthodes intégrant des éléments dialectaux dès les premières étapes de l’enseignement, avec une transition progressive vers l’arabe standard.
Les industries culturelles, notamment le cinéma, la télévision et la musique, contribuent à la diffusion et à la popularisation de la langue arabe, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du monde arabe. Les films égyptiens, la musique libanaise et les chaînes de télévision panarabes créent un espace culturel commun où les différentes variétés de la langue arabe interagissent et s’enrichissent mutuellement.
L’histoire de la langue arabe est un tableau complexe et multiforme de son évolution, depuis les dialectes préislamiques de la péninsule arabique jusqu’à la situation linguistique moderne, caractérisée par ses nombreuses variantes régionales et sa diglossie omniprésente. À chaque étape de ce parcours, l’arabe a démontré une remarquable capacité à allier continuité et changement, tout en préservant sa structure fondamentale et sa signification culturelle.
Le Coran a joué un rôle essentiel dans la standardisation et la diffusion de l’arabe, devenant dès son apparition une norme linguistique et un catalyseur de l’expansion arabe. Les conquêtes islamiques ont favorisé la diffusion de l’arabe bien au-delà de son aire d’origine, ce qui, combiné aux migrations ultérieures de tribus arabes, a conduit à la formation de divers groupes dialectaux.
L’âge d’or de la civilisation islamique a fait de l’arabe une langue internationale de science et de culture, tandis que la période de la Nahda a marqué son renouveau et son adaptation aux exigences de la modernité. Aujourd’hui encore, l’arabe continue de jouer un rôle important de trait d’union entre le monde arabe, de langue sacrée de l’islam et de porteuse d’une riche tradition culturelle.
Bien que la langue arabe soit confrontée à de sérieux défis à l’ère de la mondialisation et de la numérisation, sa force et sa capacité d’adaptation intrinsèques, ainsi que le soutien institutionnel des États arabes et des académies de langues, incitent à l’optimisme quant à son avenir. L’histoire de la langue arabe continue de s’écrire, reflétant un monde en mutation et entretenant un lien vivant avec son héritage séculaire.
- Linguistique
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- Akchim. Coordonnées 60 ° 28′35 "sw 58 ° 02′53" c. d, 12+
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