Monet et Pissarro à Londres (1870): histoire de l’impressionnisme Automatique traduire
Les années qui suivent la guerre franco-prussienne de 1870 sont d’une grande importance pour le développement de l’impressionnisme . Il naît à Grenouillers en 1869, mais une série d’événements, de rencontres et d’influences en déterminent l’orientation, en tracent la voie et en accélèrent les maigres éléments jusqu’à condenser et définir un style. Les artistes ont dépassé le stade où ils ne savent que ce qu’ils ne veulent pas savoir ; ils réalisent l’importance de leur entreprise et considèrent certaines règles comme définitives. Il sait ce qu’il préfère et a franchi certaines étapes irréversibles. (Pour plus de détails, voir : Caractéristiques de la peinture impressionniste 1870-1910)
❶ Origines et influences
❷ Histoire ancienne
❸ Impressionniste Edouard Manet
❹ Impressionniste Claude Monet
❺ Impressionnistes Renoir, Sisley, Pissarro, Degas, Cézanne
❻ Monet et Pissarro à Londres
❼ Développement de la peinture impressionniste
❽ Expositions impressionnistes
❾ Regroupement
❿ Héritage
Les impressionnistes visitent Londres après la guerre franco-prussienne
Depuis la rencontre de Renoir et Monet, lorsqu’ils étudient le reflet de l’eau dans la Grenouille, ils ont su réaliser leurs intuitions, découvert comment se transmettre mutuellement leur sentiment personnel tout en en conservant la couleur particulière. Ils ont un sens aigu de la vie, un goût prononcé pour l’aventure. En partie saisis par l’esprit révolutionnaire si actif avant 1870, ils sentent la possibilité d’un progrès universel et s’intéressent au développement des sciences expérimentales.
Le rejet des conventions et des contraintes, la faiblesse de l’enseignement officiel, voire l’hostilité qu’ils ressentent et qui se confirme chaque fois qu’ils rencontrent l’autorité ou ses représentants, les incitent à aller de l’avant. Il leur permet aussi de surmonter la catastrophe qui s’annonce pour la France. Ils appartiennent à une société qui n’est pas la leur. On pourrait même dire que la guerre, en provoquant la destruction de structures sociales (provisoirement) dépassées, devait ouvrir la voie à l’installation de vraies valeurs. Elle provoque une rupture des habitudes et des routines, bénéfique pour tous. Il y a un besoin de bouger, de voyager à l’étranger (Angleterre, Hollande), ce qui s’avère particulièrement fructueux. Il permet de se reconnecter et de se retrouver.
Chacun des peintres impressionnistes réagit différemment à l’annonce de la déclaration de guerre de la Prusse, mais l’essentiel pour tous est qu’il faut sauver la peinture à tout prix, et d’abord leur peinture. Basil se met immédiatement au travail, mais il ne lui reste malheureusement que quelques mois à vivre. Il meurt à la bataille de Bonet-la-Rolande le 28 novembre, ne laissant derrière lui que des promesses.
En revanche, Cézanne, peu préoccupé par la conscription, quitte Aix-en-Provence et la tranquillité de sa famille pour aller travailler à l’Estaque. Renoir est mobilisé dans un régiment de cavalerie, d’abord à Bordeaux, puis à Tarbes. Degas, qui est sur la côte, et Manet, qui séjourne au Havre, rentrent précipitamment à Paris. Tous deux attendent la chute de l’Empire pour s’engager, le premier dans l’artillerie, le second dans la garde nationale. Monet reste d’abord au Havre, mais lorsque les choses commencent à se concrétiser, il parvient à passer en Angleterre, confiant plusieurs de ses œuvres à Pissarro . Ce dernier, contraint de laisser toutes ses œuvres à Louveciennes, se rend à son tour à Londres. Ils suivent avec tension, mais à distance, les événements en France.
Mais la vie quotidienne est bouleversée pour chacun d’entre eux : les rencontres au café, les échanges, les discussions doctrinales, amicales ou houleuses, sont terminées. Chacun, selon l’endroit où il se trouve et ce qu’il fait, en conclut que l’issue passe par le travail. Au milieu de ces bouleversements, même Manet met dans sa trousse de soldat de quoi peindre quelques études d’après nature. L’exil et l’isolement obligent Monet à se réfugier dans son art. Et il est crucial que les événements le ramènent en Angleterre.
Dès l’époque du romantisme, les échanges littéraires et artistiques entre l’Angleterre et la France sont nombreux et fructueux. Après les contacts entre Géricault et Delacroix, d’une part, Bonington et Fieldings d’autre part, et surtout Whistler, partageant son temps entre Londres et Paris, il est une sorte de trait d’union entre deux mondes picturaux qui s’éloignent de plus en plus.
En 1868, Manet part de Boulogne pour l’Angleterre et en revient très satisfait. Pour Monet et Pissarro, ce séjour forcé à cette période précise de leur évolution apparaît comme un heureux coup du sort, tant sur le plan de l’influence que sur celui de la rencontre et de la confirmation de leurs points de vue.
On sait que Delacroix a exercé une forte influence sur les artistes du groupe, qui n’ont parfois pas craint de l’avouer : Renoir a montré «Femmes algériennes» au Salon de 1870, dont le coloris vif et la composition même ne laissent aucun doute sur l’admiration du maître pour le romantisme. La technique de Delacroix, en particulier son offlochitage, qui rappelle le prédélinquisme, avait depuis longtemps attiré leur attention, tout comme ces observations datant d’environ 1846 ou 1847 : "Constable dit que la superbe verdeur de ses champs est le résultat de la composition d’un grand nombre de couleurs vertes différentes. Le manque d’intensité et de vie dans les verts de la plupart des peintres paysagistes est dû au fait qu’ils les peignent généralement d’une seule couleur". Ce qu’il dit ici des verts de ses champs peut s’appliquer à tous les tons.
Le paysage anglais offre à Monet et à Pissarro des sujets qui les touchent profondément, mais ils trouvent aussi des sujets de réflexion et de discussion dans les musées. Malheureusement, nous ne pouvons juger de ces moments qu’à partir de souvenirs et de lettres ultérieures. En 1899, Signac, consignant des conversations avec les deux artistes, écrit : "À Londres…. ils ont étudié son œuvre, celle de Turner, et analysé sa technique. Ils ont surtout été frappés par ses effets de neige et de glace. Ils sont stupéfaits de voir comment il est parvenu à donner l’impression de la blancheur de la neige, ce qu’ils n’avaient pas réussi à faire jusqu’à présent avec de grandes taches blanches appliquées par de larges coups de pinceau. Ils en concluent que ce merveilleux résultat est obtenu non pas par l’utilisation d’une couleur blanche uniforme, mais par un grand nombre de taches de couleurs différentes placées les unes à côté des autres et donnant de loin l’effet désiré".
Pissarro, dans une lettre à Dewhurst en novembre 1902, écrit : "En 1870, j’étais à Londres avec Manet, nous avons rencontré Charles Daubigny et Bonvin ; Monet et moi étions fascinés par les paysages londoniens. Monet travaillait dans les parcs et moi, habitant Lower Norwood, un quartier charmant à l’époque, j’étudiais les effets du brouillard, de la neige et du printemps. Nous travaillions d’après nature, et Monet a peint plus tard de magnifiques études de brouillard à Londres. Nous allions aussi souvent au musée. Les aquarelles de Turner, et les œuvres de John Constable, nous ont certainement influencés. Nous admirions Thomas Gainsborough, Thomas Lawrence, Joshua Reynolds, et d’autres membres de la Royal Academy, mais nous étions particulièrement attirés par les peintres paysagistes qui étaient plus proches de ce que nous recherchions en «plein air» - la lumière et les effets fugitifs."
Dans une lettre à son fils, datée du 8 mai 1903, il note également : "Turner et Constable, bien qu’ils nous soient utiles, nous confirment que ces artistes ne comprennent pas l’analyse de l’ombre, qui chez Turner est toujours un effet voulu, une trouée. Quant à la division des tons, Turner a confirmé sa valeur en tant que manière de peindre, mais pas en tant qu’exactitude". Bien plus tard, Monet vieillissant, qui seul a porté l’impressionnisme à sa plus haute signification, déclare que l’art de Turner lui est "antipathique à cause du romantisme exubérant de son imagination."
Il semble possible de donner plus de poids aux propos de Pissarro en raison de la profonde méticulosité et de l’exigence de l’esprit de l’artiste, ainsi que de la richesse de ses détails. En 1870, ce que l’on appellera plus tard l’impressionnisme en est encore à ses balbutiements. Le mouvement est encore très frais. Si l’enthousiasme des artistes du groupe est grand et s’ils sont sûrs de leurs convictions, ils n’en sont pas moins désireux et heureux d’accepter tout soutien à leurs idées. Pissarro, faisant preuve de discernement, utilise le verbe «pour confirmer».
On peut supposer que Monet et lui étaient heureux de trouver auprès d’un maître aussi illustre et admiré la confirmation de la justesse de leur démarche, alors en plein développement. Ils s’intéressaient encore à la manière de travailler les ombres, à la séparation des tons et aux meilleurs moyens techniques d’obtenir la bonne intensité de la lumière. Ils trouvent ainsi un allié dans les œuvres de Turner et de Constable.
C’est indéniable, même si les esquisses de Turner et de Constable, si importantes aux yeux du critique moderne, n’étaient pas encore représentées dans les musées londoniens à cette époque. C’est pourquoi Clarke va peut-être trop loin en minimisant la contribution des artistes britanniques à l’impressionnisme. Lorsque Monet fait preuve d’une certaine retenue à l’égard de Turner, il l’attribue à un niveau esthétique plutôt que technique. En revanche, les déclarations de Pissarro et de Signac reposent sur des considérations d’ordre artisanal et sont de nature pratique et visuelle. Enfin, lorsque Monet fait sa déclaration, il approche de la fin de sa vie. Depuis ce voyage à Londres, la technique impressionniste a évolué et s’est articulée plus clairement. Monet a une autre façon de se rendre compte de la signification profonde de son œuvre.
Pour remettre les choses en perspective, on peut rappeler une autre remarque de Pissarro à Dewhurst : "Turner et Constable nous ont été utiles, comme le sont tous les grands artistes. Mais la base de notre art est sans aucun doute la tradition française. Nos maîtres sont Clouet, Nicolas Poussin et Claude Lorrain ; le dix-huitième siècle est Chardin, le groupe de 1830 est Corot."
Il est également vrai que l’impressionnisme s’est développé bien au-delà des idées de Turner. C’est un romantique. Son imagination ennoblit le monde. Il s’extasie sur les effets de la nature qu’il intensifie jusqu’au paroxysme. Dans son imagination, la nature devient un vaste tourbillon de forces dans lequel l’homme trouve sa place ; elle apparaît comme une exaltation byronienne des éléments. Mais dans ce monde d’éclairs rageurs et clignotants, l’ordre est préservé, les paradoxes sont observés. L’artiste l’interprète sans le détruire, sans l’anéantir, sans proposer à notre esprit une autre façon de comprendre notre condition, sans annuler la manière traditionnelle d’harmoniser tous les phénomènes.
L’impressionnisme, et Monet en prend pleinement conscience à la fin de sa carrière, a révolutionné la vision. Rompant avec les critères et les conventions hérités de la tradition classique, il bouleverse l’ordre des choses, plaçant l’homme et l’univers dans une relation nouvelle. L’évolution de l’art et de la pensée nous permet aujourd’hui d’en percevoir encore mieux toutes les conséquences.
Sur le plan matériel, le séjour de Monet et Pissarro à Londres va avoir de très grandes conséquences ; à la même époque, Dubigny, également bloqué en Angleterre, peint des vues de la Tamise, qui connaissent un grand succès financier et lui permettent de subvenir à ses besoins. Alarmé par les problèmes financiers de Monet, il se charge, peut-être par charité, de le présenter à son marchand Durand-Ruel. Ce dernier, qui a quitté Paris en emportant son stock, a ouvert une galerie à New Bond Street. Durand-Ruel s’intéresse aux artistes de l’école de Barbizon. Et comme successeurs possibles, il commence à considérer les artistes de la génération suivante - Corot, Diaz, Dubigny et Courbet . Monet ne lui est pas totalement inconnu, car dans la «Revue internationale d’art», publiée sous sa supervision lors du Salon de Paris de 1870, il commente les œuvres de Degas et Manet, ainsi que celles de Sisley, Pissarro et Monet, bien que ce dernier soit rejeté par le jury. Mais à Londres, ils entrent en contact direct et une amitié se noue entre eux.
Malgré les difficultés financières auxquelles Durand-Ruel lui-même doit bientôt faire face, il intensifie considérablement ses efforts et ses tentatives pour soutenir et commercialiser la nouvelle peinture. En somme, Paul Durand-Ruel était un marchand d’art exemplaire : un connaisseur d’art, courageux dans ses convictions, au goût très sûr, patient et persévérant, osant être le premier et l’unique, n’hésitant pas à risquer sa fortune dans ses choix. Il est appelé à jouer un rôle décisif dans la survie puis le triomphe de l’impressionnisme.
Nous remercions pour l’utilisation d’un extrait de «L’impressionnisme» de Jacques Lassagne (1966).
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